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15 janvier 2024

Loir-et-cher : Une seconde chance pour les décrocheurs

Plusieurs élèves de l’école de production Maurice-Leroux ont été récompensés par la section du Loir-et-Cher pour leur parcours méritant. Cet établissement, basé à Salbris, leur permet de reprendre goût à l’apprentissage en favorisant la pratique lors d’ateliers mais aussi grâce à un accompagnement adapté et bienveillant.


Dans l’atelier de l’école de production Maurice-Leroux, les machines ronronnent dans un vacarme assourdissant. Les élèves, équipés de bouchons d’oreille, sont postés impassibles à côté de chacune d’entre elles et surveillent leur activité sur des écrans numériques. Programmées par leurs soins, les machines transforment des blocs de métal en pièces précises, en enlevant progressivement de la matière. Une vingtaine d’élèves - répartis en 1re ou 2e année de CAP, ainsi qu’en bac pro - apprennent l’usinage, à partir de 15 ans. L’objectif de cette école créée en 2021 : « proposer une solution de réinsertion pour les jeunes qui ne se retrouvent pas dans le milieu scolaire et les aider à redevenir acteurs de leur vie », résume Constance de Marne, la directrice. Seule condition exigée pour l’intégrer : être motivé.

« Cet établissement récupère des adolescents parfois déscolarisés et leur permet de regagner confiance. Nous avons voulu récompenser cet impact social en leur donnant la possibilité de candidater pour notre Prix des apprentis », justifie Régis Dexant, président de la section. Trois élèves ont été distingués pour cette édition 2023 : une deuxième place pour Émeline et deux prix d’encouragement pour Valentin et Justin. « Cela montre aux élèves qu’ils sont tout aussi méritants que les jeunes d’autres formations », se félicite Constance de Marne.

Une pédagogie du « faire pour apprendre »

L’une des particularités des écoles de production est de faire travailler les élèves sur de réelles commandes, passées par des entreprises. « Former les jeunes permet de faire un premier pas vers la réindustrialisation », affirme Alexandre Avril, maire de Salbris. Les élèves passent 70 % de leur temps d’apprentissage en atelier. Les matières théoriques sont, elles aussi, tournées vers du concret. « On essaie d’avoir l’histoire de la pièce et de l’entreprise pour l’utiliser en cours, en anglais on apprend du vocabulaire technique... », liste Constance de Marne.

Devant un tableau, Jonathan Mouvet, maître pro, explique à Sarah et Raphaël le calcul qu’ils vont devoir faire pour obtenir le diamètre de la pièce qu’ils vont fabriquer. « C’est une utilisation concrète des maths, là il s’agit de multiplication et de division, mais quand on complique on aborde aussi la trigonométrie », sourit-il.

Un accompagnement valorisant

Les jeunes travaillent en binôme pour « s’entraider. On fait également attention à les mettre sur des tâches avec lesquelles ils sont à l’aise, on avance à leur rythme, le but est de leur redonner confiance progressivement en leurs capacités », explique le maître pro. Deux élèves s’entraînent donc sur des tours conventionnels, de manière manuelle, en attendant d’être prêts à passer aux machines numériques. Les valeurs de l’école sont au cœur de sa pédagogie : « confiance, respect, entraide. » Sarah, 15 ans, en 1re année de CAP, « s’y sent bien. Je n’avais que des mauvaises notes avant, les profs me disaient que je

n’allais pas réussir... Ici c’est l’inverse, je me suis même fait des amis », confie-t- elle. Raphaël la rejoint : « c’est plus facile de suivre en cours, nous ne sommes que 10, tout le monde a la moyenne. » En 3e, il admet qu’il était « turbulent, je n’arrivais pas à rester assis... Ici on est tout le temps en action », apprécie-t-il.

Les encadrants distribuent du matériel pour compléter le contenu de leur caisse à outils individuelle qu’ils ont reçue. Pied à coulisse, pinceau, maillet... « Cela leur permet d’être autonomes, ils repartiront avec une fois leur formation terminée », précise Jonathan Mouvet. Pour les responsabiliser, un élève de chaque classe est chargé chaque semaine de surveiller la sécurité. C’est le tour d’Esteban : « Je dois vérifier régulièrement si tout le monde a ses EPI (équipements de protection individuelle) : chaussures de sécurité, bouchons d’oreille, lunettes... »

À la fin de la journée, les élèves nettoient leurs machines avec une soufflette. Pour les espaces communs, c’est à tour de rôle. « Cela leur apprend à respecter les

lieux, mais aussi à gagner en autonomie », souligne Alexandre Robert, professeur de sport et éducateur. Sa mission : « gérer les problèmes du quotidien. Ces jeunes connaissent parfois des problématiques particulières : familiales, handicap, addictions aux jeux vidéo... Je fais le lien avec les parents, les enseignants, l’administration, la psychologue... Si le jeune a du mal à se lever car il a joué aux jeux vidéo toute la nuit, je peux aller le chercher le matin... C’est la grande force de l’école : on s’adapte. »

Vers une nouvelle filière en métallurgie/soudure ?

Portée par l’association Sens et Talents, l’école est soutenue financièrement par l’État, la région, des fondations (Saint Gobain, TotalEnergies, Air liquide...), mais est également lauréate du plan France Relance. Les élèves déboursent, de leur côté, 50 euros par mois pour leur scolarité. Avant de s’inscrire, ils peuvent tester l’école pendant une courte période (une semaine d’immersion ou un stage). Dominique Gardy, président de la Fédération nationale des écoles de production parle de « trio gagnant-gagnant-gagnant. Pour les jeunes, car c’est une offre accessible dès 15 ans ; pour les entreprises, car il s’agit de métiers en tension ; le territoire car on instaure une dynamique qui permet aux jeunes d’y rester. » En France, on compte 67 écoles de production avec des spécialités dans des secteurs variés (industrie, restauration, automobile, bois, bâtiments, métiers paysagers). À Salbris, une nouvelle filière en métallurgie/soudure pourrait ouvrir à la rentrée prochaine.

Verbatim 

Valentin, 17 ans, 1re année bac pro :

« Je ne m’attendais pas du tout à ce prix, cela me permet de me dire que tout devient possible pour l’avenir... Avant cette école je ne savais pas quoi faire. Je ne suis pas quelqu’un de scolaire, j’ai toujours eu des problèmes d’écriture. Au collège, j’avais du mal à m’intégrer. Ici nous sommes en petits effectifs alors cela donne envie de participer, j’ai de meilleures notes. Je suis devenu pompier volontaire et j’aimerais rejoindre l’armée après mon bac pro. J’aime l’idée d’aider et d’évoluer dans un cadre structurant. »

Émeline, 17 ans, 1re année bac pro :

« Il y a très peu de femmes qui font cette spécialité, alors, quand d’autres filles viennent en stage pour découvrir l’école, j’essaie de leur montrer qu’elles en sont capables comme moi. Après mon bac pro j’aimerais entrer dans la marine. J’aime l’esprit solidaire qui règne à l’armée et la mission de protéger les autres. Des expériences de bénévolat et mon séjour SNU ont confirmé cette envie. Je suis fière que mon parcours d’engagement ait été récompensé par la Société des membres de la Légion d’honneur. »

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